mercredi 10 décembre 2008

l'innocence et la pureté terrestre

Ici deux photographies JE NE SAIS PLUS LESQUELLES MAINTENANT
UN PLAINE BLEUE VERTE ET CAILLOUTEUSE
ET


"Cézanne comme on sait n'a peint d'abord que des sujets effrayants comme la tentation de saint Antoine. Avec le temps, son seul problème, cependant, ce fut la "réalisation" de l'innocence et de la pureté terrestre : la pomme, le rocher, le visage humain. La réalité, c'est donc l'accès à la forme et celle-ci n'est pas regret de ce qui est anéanti par les alternances de l'histoire, mais elle transmet, dans la paix, ce qui est. - Dans l'art, il ne s'agit de rien d'autre. Or cela même qui fait sentir la vie fait problème quand on veut le transmettre"

Peter Handke, La leçon de Cézanne.

L'innocence et la pureté terrestre
Et la douleur
Et la peur, la grande peur
qui prend de multiples formes
et le corps voué à la mort
quelles drôle de chose être humain
pourtant il y a parfois la certitude, la joie légère d'être là où il faut, (n'est-on pas toujours là où il faut, puisqu'on y est ?

mais toujours préoccupationschoses à compter mesurer anticiper
choses si lourdes, insurmontables insupportables s'il n'y a pas cette certitude joyeuse d'être là.

mercredi 26 novembre 2008

Recette de femme

"Que les très laides me pardonnent mais la beauté est fondamentale. Il faut dans tout cela qu'il y ait quelque chose d'une fleur, quelque chose d'une danse, quelque chose de haute couture dans tout cela (ou alors que la femme se socialise élégamment en bleu comme dans la République Populaire Chinoise).
Il n'y a pas de moyen terme. Il faut que tout soit beau. Il faut que, tout à coup on ait l'impression de voir une aigrette à peine posée, et qu'un visage acquière de temps en temps cette couleur que l'on ne rencontre qu'à la troisième minute de l'aurore.
Il faut que tout cela soit sans être, mais que cela se reflète et s'épanouisse dans le regard des hommes. Il faut, il faut absolument que tout soit beau et inespéré. Il faut que des paupières closes rappellent un vers d'Eluard, et que l'on caresse sur des bras quelque chose au delà de la chair : et qu'au toucher ils soient comme l'ambre d'un crépuscule. Ah, laissez-moi vous dire qu'il faut que la femme qui est là, comme la corolle devant l'oiseau soit belle, ou qu'elle ait au moins un visage qui rappelle un temple ; et qu'elle soit légère comme un reste de nuage : mais que ce soit un nuage avec des yeux et des fesses. Les fesses c'est très important. Les yeux, inutile d'en parler, qu'ils regardent avec une certaine malice innocente. Une bouche fraîche (jamais humide), mobile, éveillée, et aussi d'une extrême pertinence. Il faut que les extrémités soient maigres, que certains os pointent, surtout la rotule, en croisant les jambes et les pointes pelviennes lors de l'enlacement d'une taille mobile. Très grave toutefois est le problème des salières : une femme sans salières est comme une rivière sans ponts. Il est indispensable qu'il y ait une hypothèse de petit ventre, et qu'ensuite la femme s'élève en calice et que ses seins soient une expression gréco-romaine, plus que gothique ou baroque et qu'ils puissent illuminer l'obscurité avec une force d'au-moins 5 bougies. Il faut absolument que le crâne et la colonne vertébrale soient légèrement visibles et qu'il existe une grande étendue dorsale...Que les membres se terminent comme des hampes, mais qu'il y ait un certain volume de cuisses. Qu'elles soient lisses, lisses comme des pétales et couvertes du duvet le plus doux, cependant sensible à la caresse en sens contraire.
Les longs cous sans nul doute sont préférables de manière à ce que la tête donne parfois l'impression de n'avoir rien à voir avec le corps et que la femme ne rappelle pas les fleurs sans mystère. Les pieds et les mains doivent contenir des éléments gothiques discrets. La peau doit être fraîche aux mains, aux bras, dans le dos et au visage mais les concavités et les creux ne doivent jamais avoir une température inférieure à 37° centigrades, capables, éventuellement, de provoquer des brûlures du ler degré.
Les yeux, qu'ils soient de préférence grands et d'une rotation au moins aussi lente que celle de la terre; qu'ils se placent toujours au delà d'un mur invisible de passion qu'il est nécessaire de dépasser. Que la femme, en principe, soit grande ou, si elle est petite, qu'elle ait l'altitude mentale des hautes cimes.
Ah, que la femme donne toujours l'impression que si ses yeux se ferment
En les ouvrant, elle ne serait plus présente avec son sourire et ses intrigues. Qu'elle surgisse, qu'elle ne vienne pas, qu'elle parte, quelle n'aille pas.Et qu'elle possède un certain pouvoir de rester muette subitement, et de nous faire boire le fiel du doute. Oh, surtout qu'elle ne perde jamais, peu importe dans quel monde , peu importe dans quelles circonstances, son infinie volubilité d'oiseau, et que caressée au fond d'elle-même, elle se transforme en fauve sans perdre sa grâce d'oiseau; et qu'elle répande toujours l'impossible parfum ; et qu'elle distille toujours le miel enivrant ; et qu'elle chante toujours le chant inaudible de sa combustion et qu'elle ne cesse jamais d'être l'éternelle danseuse de l'éphémère ; et dans son incalculable imperfection qu'elle constitue la chose la plus belle et la plus parfaite de toute l'innombrable création."

Recette de femmes, Vinicius de Moraes
image d'un tableau de Bacon

mardi 25 novembre 2008

Quand vous arrivez là-bas, il n'y a pas de là-bas, là-bas (G. Stein)


Ô Mort, vieux capitaine, il est temps ! levons l’ancre !
Ce pays nous ennuie, ô Mort ! Appareillons !
Si le ciel et la mer sont noirs comme de l’encre,
Nos cœurs que tu connais sont remplis de rayons !

Verse-nous ton poison pour qu’il nous réconforte !
Nous voulons, tant ce feu nous brûle le cerveau,
Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu’importe ?
Au fond de l’Inconnu pour trouver du nouveau !

Le Voyage, Baudelaire

lundi 10 novembre 2008

Adeus



"Hélas les vers signifient si peu de choses quand on les écrit trop tôt. Il faudrait attendre, accumuler toute une vie le sens et le nectar - une longue vie si possible -, et seulement alors, tout à la fin, pourrait-on écrire dix lignes qui soient bonnes. Car les vers ne sont pas faits, comme les gens le croient, avec des sentiments (ceux-là on ne les a que trop tôt) - ils sont faits d'expérience vécues. Pour écrire un seul vers, il faut avoir vu beaucoup de villes, beaucoup d'hommes et de choses, il faut connaître les bêtes, il faut sentir comment volent les oiseaux et savoir le mouvement qui fait s'ouvrir les petites fleurs au matin. Il faut pouvoir se remémorer des routes dans des contrées inconnues, des rencontres inattendues et des adieux de longtemps prévus - des journées d'enfance restées inexpliquées, des parents qu'il a fallut blesser, un jour qu'ils vous ménageaient un plaisir qu'on n'avait pas compris (c'était un plaisir déstiné à un autre...), des maladies d'enfance qui commencaient étrangement par de profondes et graves métamorphoses, des journées passées dans des chambres paisibles et silencieuses, des matinées au bord de la mer ; il faut avoir en mémoire la mer en général et chaque mer en particulier, des nuits de voyage qui vous emportaient dans les cieux et se dissipaient parmi les étoiles - et ce n'est pas encore assez que de pouvoir penser à tout cela. Il faut avoir le souvenir des nombreuses nuits d'amour, dont aucune ne ressemble à une autre, il faut se rappeler le cri des femmes en gésine et l'image des blanches et légères accouchées endormies, qui se referment. Il faut avoir été aussi au côté des mourants, il faut être resté au chevet d'un mort, dans une chambre à la fenêtre ouverte, aux rares bruits saccadés. Et il n'est pas encore suffisant d'avoir des souvenirs. Il faut pouvoir les oublier, quand ils sont nombreux, et il faut avoir la grande patience d'attendre qu'ils reviennent. Car les souvenirs ne sont pas encore ce qu'il faut. Ils faut d'abord qu'ils se confondent avec notre sang, avec notre regard, avec notre geste, il faut qu'ils perdent leurs noms et qu'ils ne puissent plus être discernés de nous-mêmes ; il peut alors se produire qu'au cours d'une heure très rare, le premier mot d'un vers surgisse au milieu d'eux et émanent d'entre eux."

R.M. Rilke, Les cahiers de Malte Laurids Brigge

samedi 1 novembre 2008

Les mines générales


Je suis pour une semaine dans le Minas Gerais.
La terre est rouge, le paysage sec et ouvert.
Une nouveauté pour moi.
Seule jusqu'à vendredi dans la maison de campagne de Moreno...
Grand désir de travailler, grande joie!

mardi 28 octobre 2008

Karlfried Graf Dürckheim



J'ai découvert ces derniers jours, dans la bibliothèque de Cristiano qui est devenue ma chambre, un livre fort intéressant : LE CENTRE DE L'ETRE, ensemble de propos de Karl Friedrich Alfred Heinrich Ferdinand Maria Graf Eckbrecht von Dürckheim-Montmartin (1896-1988) recueillis par Jacques Castermane.

En voici quelques extraits :

"Qu'est-ce qu'une petite expérience de l'Être? Ce sont ces moments où, tout à coup dans la journée, nous nous sentons dans une experience différente. Nous sommes en train de faire quelque chose et tout à coup, nous hésitons. Nous sommes comme remplis par le souffle d'une vie plus profonde. Nous nous sentons comme envahis par une force qui nous oblige à nous mouvoir d'une façon différente. C'est comme si nous étions tout à coup, le représentant, le contenant de quelque chose de précieux. Pour un moment, nous voilà différents et, en même temps, nous-mêmes comme jamais. Ce sont ces moments priviliégiés où nous nous sentons en nous-mêmes et en même temps reliés à tout ce qui nous entoure. Ces moments où nous nous sentons en bonne force et en même temps parfaitement souples."

"L'homme qui gagne une certaine transparence pour la transcendance rend plus transparent ce qui l'entoure. L'homme éveillé à sa profondeur est touché par la profondeur des choses qui l'entourent. "Tout ce qui est visible est un invisible élevé à un état de mystère" dit Novalis. Tout ce qui pour l'homme ordinaire est surface devient pour l'homme en chemin profondeur. Pour lui le mystère n'est pas derrière l'apparence. C'est ce qu'il voit qui révèle l'invisible. C'est ce qu'il entend qui révèle l'inaudible. C'est ce qu'il sent qui révèle le suprasensible. Pour l'homme éveillé à la transcendance immanente, le surnaturel est au coeur du naturel."

" Tout ce qui vit se réalise dans une forme. (...) La forme vivante est toujours en devenir. Toujours là où vous rencontrez une forme vivante, il y a d'un côté la loi intérieure qui pousse chaque forme vers sa perfection et de l'autre côté l'ensemble des conditions existentielles qui empêchent cette loi de se réaliser. Nous retrouvons cette tension entre le non-conditionné et le conditionné dans toutes les formes qui nous entourent. Le peintre ou le scuplteur, dans la mesure où il est maître de son art, sait quelque chose de ce mystère des formes. Le chef-d'oeuvre, tant dans l'art pictural que sculptural, est transparent à l'inconditionné. "

"Si je prétends que tous les hommes, depuis toujours et partout, cherchent à être sauvés dans le grand Un, on trouve ça terrible ! Pourtant, c'est vrai, aussi pour les chrétiens. Si ce n'est que pour ceux-ci il y a une différence importante. Pour le chrétien, cette réalité du grand Un dans laquelle se trouve la libération n'est qu´un passage. Pour le chrétien, le port n'est pas le point d'arrivée mais le lieu où il vient prendre l'essence pour faire un nouveau voyage en haute mer. Autrement dit, pour le chrétien, le passage par le grand Un à pour sens la personne, c'est-à-dire la forme qui témoigne de la réalité du grand Un. (...) C'est de cette manière que le chrétien participe à une création qui n'arrête jamais. Alors que pour d'autres traditions, il faut se libérer de cette création qui est un malentendu!"


"Quand se sent-on chez soi? Toujours là où on est uni à quelque chose. Là où on peut être un avec quelque chose. L'artisan est vraiment chez lui au moment où il prend son outil en main. (...) On se trouve chez saoi là où on jouit d'une union parfaite avec quelque chose qui fait partie de soi-même. "

Et moi, qui suis étrangère depuis bientôt trois mois, quand me vient la force et le désir de travailler, alors, au moment où je vois, je monte ma petite folding, je cadre, etc., je me sens étrangement, enfin, chez moi!
Et voilà que bientôt, je vais faire un nouveau voyage en haute mer ! Avant le grand retour.
Vous en saurez plus bientôt.

Merci Karlfried.

dimanche 26 octobre 2008

São Paulo

Voici une vue à 360 degrés de Saint Paul, du haut de l´Edificio Altino Arantes, au centre de la ville...




Et ici la musique qui ne me quitte pas en ce moment...

mercredi 22 octobre 2008

Ubatuba

On parle trop quand on s'ennuie. Qu' est-ce que j'ai parlé ici.
Jeux de désirs et les autres bien aimés se font absents. Trop dire et ne rien dire (fuir l'affectation). Bavardage.
Ubatuba. Ubatuba que je n'ai pas décrite. Une ville un peu saudage, un peu triste et nostalgique, une plage déserte, absente, la pluie souvent, une ville touristique sans touristes, une petite place centrale rectangulaire avec une île minuscule et son pont de bois en arc...
De l'attente beaucoup, une rodoviaria jaune avec le cul des bus à reculons, l'attente hommes avec la barbe naissante du soir, femmes fatiguées, seins qui ont allaités ou qui allaitent encore, teint brun, quelques dents qui manquent parfois, de beaux costumes défraîchis par la journée, gentillesse sous la fatigue, quelques ivrognes, un mal poli, une cigarette de trop, attendre, pão de queijo, fritures, chiclet, la cigarette qu'on allume là au comptoir de la loja des japonais, briquet qui pend à un fil.
Ubatuba vieilles maisons des 50's et avant et une belle épave, vieux tas de bois bien en forme de bateau, face à la mer, séparé par une route.
Des chiens errants le long de la plage qui en veulent à mon sac qui sent la viande, fromage fumé. Je me réfugie dans l´office de tourisme désert qui attend on ne sait plus trop quoi.
Une heure de bus pour rentrer à la maison, la nuit totalement nuit, le nez collé au carreau pour tenter de voir où je suis, où m'arrêter, j'ai pourtant le temps, une heure, mais on ne sait jamais, il y a toujours des gens qui ont peur de râter quelque chose.
Et le jour, magnifique, route qui longe la côte en surplomb, les montagnes bordent la mer, la lumiére de ce côté, bleu, eau diluée dans l'air. À chaque fois quelques têtes se tournent. Plus fort qu'eux.

Ubatuba la mal vue, celle que je n'ai pas entourée de mes pas, celle que j´ai désirée sans m´y rendre, propulsée là un peu par hasard.
Retourner à Ubatuba par mes propres chemins, cheminer vers Ubatuba, prendre le temps d'approcher Ubatuba.
Il paraît qu'il y eût, fut un temps, des carrières.

jeudi 16 octobre 2008

Rio de janeiro

Me voila depuis quelques jours a Rio de janvier, citade mervelhosa ! Comment dire Rio ? comment avoir la legerete et la danse pour dire Rio ?
La ville vit avec la mer, les montagnes et la foret, ces trois natures qui la bordent et la penetrent, lui donnent des limites. Ca explique peut-etre la force qu'on sent ici. Il n'y a pas que de l'humain, il y a plus grand qui est toujours la, present. Ce qui explique peut-etre aussi l'ouverture, les sourires, la bonne humeur qui regne.
Le Christ m'a tourne le dos les deux premiers jours, loin mais toujours la, etrange comme on le cherche au cours des peregrinations, il se cache, puis surgit soudain, inattendu, entre deux arbres au jardin botanique, au coin d'une rue, il surprend...
Les plages de Rio... le string n'est pas un mythe... je n'ai jamais vu autant de fesses en si peu de temps... le sable est jaune et un peu epais, la mer forte. Les vendeurs crient le guarana, globo, cerveja... les corps sont tres sensuels, s'ouvrent au soleil et au vent, les gens jouent au foot, au volley, jouent dans les vagues, surfent, se prennent en photos... beaucoup de monde en pleine semaine. Il fait chaud, l'ete arrive...
Vu au bout de la plage d'Ipanema, sur les rochers aux pecheurs, le coucher d'un soleil que les gens d'ici viennent honorer, et applaudissent parfois.
Vu quelques instants plus tard, le temps de perdre nos pas dans quelques rues et nos yeux dans une eglise etrange, maison d'accueil d'anges en bois et faience, qui vous disent des mots graves, des lys, des bougies, des vases... toute l'exuberance du Bresil, et la dans cette eglise, une voliere qui enfermait des oiseaux bruyants et multicolores..., vu apres ca, un leve de lune sur la plage de Cobacana, premiere rencontre, une lune enorme, bleue et rose se levant sur la mer, entre deux iles, pendant que des pecheurs, revenant de la mer, trainaient sur la plage leur barque de bois au clair de la lune grandissante, se faisant ambre, magnifique sur l'encre du ciel et de la mer melanges.
Rio l'ensorcelleuse.

http://www.youtube.com/watch?v=XMoWFpnFJQM

dimanche 12 octobre 2008

Que fait Violaine ?


Violaine a les pieds dans l'eau


Violaine fait de la moto (j'adore!)


Violaine mange


Violaine attend le bus


Violaine fume une cigarette (elle ne devrait pas...)

mercredi 8 octobre 2008

Sous la pluie


Derniers jours au parc Serra do Mar. Beaucoup de pluie et de fatigue. J'ai beau mettre mon nez dans les forets et mon oeil devant les paysages, ma main tremble, ma tete tourne, que faire ? Beaucoup de doutes avant chaque plan-film expose... Plus de desir... Besoin de me recharger.
Alors il pleut toujours. Et si Faustine experimente la nuit peruvienne, moi c'est la pluie bresilienne que j'ecoute tomber. Et ici, quand il pleut, ce n'est pas de la rigolade, rien a voir avec les pluies de ma chere lorraine natale, pluies contenues et continues. La pluie ici n'est pas avare d'elle-meme... il a plu toute la nuit derniere, pluie forte et reguliere secouee de trombes d'eau soudaines et ca continue aujourd'hui, plus ou moins timidement. L'humidite penetre les maisons, les chambres,les lits, les vetements ne sechent pas, les optiques se parent de petites taches blanches sur les bords a l'interieur (et le fameux sel de silice n'y peut rien de rien!) et les moustiques sont en fete. Ils aiment particulierement mon coude droit, mais cette nuit, ils ont goute le gauche aussi, apres s'etre ouvert l'appetit sur ma jambe et mon dos...
Alors j'ecoute la pluie et je laisse le temps passer... Ce temps si precieux, temps du Bresil qui me manquera a mon retour. Temps des possibles, temps de creation, temps qui offre un espace vegetal si different... Forets quasiment impenetrables, si ce n'est avec le long couteau des gardes forestiers (que j'aime ces couteaux!) .
Washington m'a ouvert le sentier hier, un petit bout de sentier parce que le temps etait trop incertain pour aller plus loin que le ruisseau et parce que derriere rodent les chasseurs... et sans gilet pare-balles, on ne peut s'y aventurer. Nous avons traverse une ancienne plantation de caoutchoucs. Une multitude de troncs blancs avec de jolies taches roses et vertes sur l'ecorce, troncs gagnes par le vert des feuillages a leur pieds. Deux plan-films exposes, la meilleure trouvaille de la journee, je crois. Un peu plus tard, de retour a la base, il m'a montre un cacaoyer et j'ai suce quelques unes de ses graines blanches, gout laiteux et acide a la fois.



Et aussi vous pouvez voir ici les petites noix de cocos succulentes dont j'ai parle la derniere fois...



Pluie et fatigue donc. Fatigue d'entendre cette langue etrangere. Les gens d'ici ne savent pas parler calmement, ils crient. Leur parler ressemble d'ailleurs a la pluie : fort et secoue regulierement d'accelerations volumineuses ! Impossible de s'extraire des conversations, elles sont bien presentes, elles prennent toute la place. Et comme ma chambre est bordee par la cuisine et la terrasse, je peux difficilement m'isoler dans ma langue, calme et monocorde. J'ai beau lutter a coup de MP3 dans les oreilles, le volume n'est pas assez fort !

Donc bientot je pars. Pour Rio, qu'on me decrit comme violente, moi qui reve d'un cocon pour me reposer un peu !
Et ensuite m'attend monsieur Devin, sa femme, sa fille, sa ferme, sa foret, ses chevaux, sa bibliotheque et j'espere de possibles modeles (le jardinnier, la cuisiniere?) Car je suis en manque de modeles ! Avoir un corps a disposer comme je l'entends dans une architecture, des couleurs...
J'espere la cuisiniere noire avec de grands yeux blancs pour l'enfouir derriere une houppe de fleurs "oiseau du paradis" qu'on trouve ici dans la foret, et que seul son regard blanc surgissent du rouge des fleurs...
Que le regardeur, sujet absolu devant l'objet-photographie, se sente devenir soudainement, lui aussi, objet d'un regard.

P.S. : oui, j'ai "repare" mon appareil photo, une bonne idee soufflee par sainte Veronique, tres certainement : un peu d'eau sur la carte memoire pour enlever le sel... et c'est reparti! certes, de nombreuses fonctions restent hors d'usage, mais les organes vitaux ne sont pas touches...)
Et pour feter ca, une derniere photo, nouveau petit cadeau pour la petit Maia !

dimanche 5 octobre 2008

Le temps



Le temps est long, immensement long, a n'en plus finir. Mais moi, a la difference de Faustine, habituee a la meditation, au temps a habiter ici et maintenant, moi j'essaye de le fuir. J'essaye et j'essaye encore mais toujours il me rattrape. L'ennui me gagne. Ce qu'il faut d'ennui pour faire un voyage ! D'attente, de vide, de souvenirs et de projets...
Je savais bien pourtant ce matin, quand j'ai demande au jour a quoi il serait dedie, je savais bien qu'il ne fallait pas prendre la chambre, une journee sans photo, il m'a dit, le jour. Pourtant je l'ai prise, pour quoi? pour rien ou presque, deux paysages presque rien je crois. Et la pluie qui ne cesse de tomber, et ce dimanche, ne plus pouvoir rester dans ma chambre, personne a qui parler, aucun livre a lire, seuls quelques poemes de Rilke attrapes sur internet... une retraite forcee. Fatigue d'etre la, fatigue de photographier et il n'y aura jamais assez de jours et les lieux ne seront jamais a la hauteur de mon desir, ou presque.
Temps long, immensement long. Que ce jour passe. Et que pour l'achever honorablement, je parvienne a habiter l'absence. Jusqu'a demain.

vendredi 3 octobre 2008

A antiga plantação de limão



Je pense au douanier Rousseau chaque jour de travail, plus encore dans cette plantation de citronniers que j'ai photographiee hier a la chambre...
J'ai vu un serpent traverser la route, c'est beau et inquietant la facon dont il se deplace. Toujours ces oiseaux tellement rouges qu'on croirait qu'ils ne sont pas des oiseaux, mais des choses fabriquees par l'homme.
Il n'y aura jamais assez de jours ici. Tant de choses a enregistrer dans ma petite boite, tant de photos manquees. Il me manque les forces pour tout embrasser. Je suis tombee amoureuse de ce pays.



Je lis Rilke aussi

"O mon Dieu, donne a chacun sa propre mort,
donne a chacun la mort nee de sa propre vie
ou il connut l'amour et la misere.

Car nous ne sommes que l'ecorce, que la feuille,
mais le fruit qui est au centre de tout
c'est la grande mort que chacun porte en soi

(...) et quiconque dans cette vie s'efforce de creer,
enclot ce fruit d'un univers
qui tour a tour le gel et le rechauffe.

Dans ce fruit peut entrer toute la chaleur
des coeurs et l'eclat blanc des pensees,
mais des anges sont venus comme une nuee d'oiseaux
et tous les fruits etaient encore verts"

Le livre de la pauvrete et de la mort

mercredi 1 octobre 2008

Dans la foret

salut a vous. Et ben non, y aura plus d'image ici, ou du recycle...mon numerique s'est noye (je l'ai un peu aide...).
Comment vous raconter la journee d'hier...
8 heures de marche dans la foret, je vais recommencer, ce n'etait pas assez...
Traversee d'une ancienne plantation de citronniers (qui ressemblaient a des oranges, je me suis fait prendre, et les ai fait bien rire, les gardes forestiers qui m'accompagnaient, avec ma grimace acide...)
Tres beau, toutes ces boules oranges en suspension, rongees par le vert ambiant et l'odeur putride des agrumes en decomposition...
J'ai vu aussi des empreintes de jaguar et celles de boeufs devenus sauvages apres l'abandon de la ferme. Des plumes d'oiseaux bleues et jaunes, reste du repas du fauve. J'ai vu un oiseau d'un rouge vif, rouge d'un sang jeune, et d'autres d'un bleu azur fonce, presque electrique. Nous avons manges de toutes petites noix de cocos, petites comme des balles de ping pong, en grappe, que les gardes ont decroches d'un palmier. Aussi une racine qui fait fourmiller la langue, endort la bouche. Bien pour arrcher les dents. J'ai bu de l'eau de la riviere.
Ivresse de la foret tropicale, plus encore apres 8 heures de marche avec un gilet pare-balle et des bottes... Les odeurs humides, les cris d'oiseaux, les insectes tourbillonnant autour de nous, les arbres enormes, les lianes qui tombent, faire attention ou on met les pieds, toujours accroche au regard le sentier...
Beaucoup de piqures aussi, rien que 8 a la main droite.
J'ai adore la moto sur le chemin de boue pour arriver a la base, au milieu de la foret, depart du sentier...
Toujours ces couleurs, vives des vegetaux et passees des maisons. Je reviendrai avec ma chambre.
Je repars demain. En foret.

lundi 29 septembre 2008

Reflexions sous la pluie (extraits de journal)

Vendredi 26 septembre
C'est drole comme j'ai l'impression que les choses ont un "visage", quelque chose qui me fait signe, me regarde, m'appelle. "He! Je suis chose, regarde, cette chose particuliere, avec ces tonalites la, cette grace, cette decoupe, cette complexite" Un "visage" parce que c'est a la fois une chose et un appel. Les maisons ont un visage pour moi en ce moment. Mais les hommes non. Peut-etre parce que je n'arrive pas a voir ce "visage" derriere le leur, ils ont pour moi un regard, une sollicitude, des questions qui me genent, qui m'empechent de voir. Pourtant j'aimerais. Peut-etre que je ne les regarde pas assez bien, que je les vois toujours en mirroir, jamais en eux-memes, mais toujours en rapport a moi, visages qui ne me laissent pas tranquille...

Samedi 27
Je n'aime pas me presenter comme photographe. Je ne me sens pas photographe, pas precisement. Je prefererais me dire peintre qui travaille avec la photographie. The pencil of Nature. Je peins avec la photographie. Du moins, j'essaye...
En utilisant la chambre, je ne fais presque plus une image. Ce n'est presque plus une image qui sort de la chambre photographique, mais presque deja une chose. La precision des details transforme l'image en chose. Et ce que je cherche, ce sont les choses, comment une chose devient chose, la puissance qui fait que de la matiere tient ensemble, prend une forme et des couleurs.

Dimanche 28
Il pleut. Je n epeux pas faire grand chose. Reparer mes appareils et penser a ce qu'est la photographie, qu'est-ce qu'une bonne photographie.
Je me mefie beaucoup des choses delabrees, maisons, routes, des choses incongrues pour nous europeens de l'ouest. Je ne veux pas photographier des anectodes, details folkloriques, contingences. Pourtant, je le fais. Comment faire autrement? Je suis entouree de choses vieilles et etranges. Mais cela doit etre un accident et pas la raison d'etre de la photographie. Quelle raison d'etre? La couleur et la lumiere, comment cete lumiere posee sur cette couleur, ce combine de couleurs et de formes, comment cela donne un esprit, plus qu'une ambiance. Sentir que cela doit etre comme ca, pas autrement.
Toujours cette idee de visage des choses, quand elles sortent du champ des accidents, qu'elles affleurent celui de l'essentiel, quand elles expriment leur essence dans ce moment furtif ou se conjuguent la lumiere, la couleur, la forme, l'atmosphere (sec, humide...), et mon oeil (qui fait lien).
Qu'est ce qu'une bonne photographie? Il y toujours cette question derriere moi quand je travaille (question qui sonne avec la voix de Milo...).
C'est arrive a Promirim. Le tailleur de pierres, les pierres carrees et les menhirs. Dans ce moment ou les choses donnent leur visage, ce moment furtif de la rencontre, dans ce moment, les choses deviennent pleinement choses, elles ne sont pas des auxiliaires de mes preoccupations, elles sont par elles-memes.

J'aimerais photographier ces gens qui vont sur les chemins de terre, a pied ou a velo, sous un parapluie, noir de peau souvent.

mardi 23 septembre 2008

Je pars

Ca y est !!!

Gloire a toi, sainte Veronique, mon verre de visee est arrive! Je l'ai monte ce matin, tout semble bien aller, je crois que j'entre dans une periode faste !
Je pars maintenant pour Ubatuba ou les naturalistes m'attendent. Jusqu'au 10 octobre dans la foret avec eux, je logerai dans une maison forestiere...
Peut-etre pas de nouvelle d'ici la, car la foret n'est peut-etre pas connectee au monde virtuel!
Vous remarquerez l'utilisation frequente des "peut-etre", c'est l'effet du voyage et du Bresil... On n'est jamais sur de rien...
Ici, ils ont le meme mot pour dire "attendre" et "esperer"... Ce qui veut dire beaucoup...

Je vous embrasse

dimanche 21 septembre 2008

Sainte Veronique, priez pour moi!



Apres le verre de visee casse il ya dix jours, mon mamiya a refuse d'entrainer la pellicule avant hier et ce matin, je n'arrivais pas a recharger la baterie de mon dernier appareil, petit compact numerique !

J'ai peut-etre le mauvaise oeil...

Pas drole pour une photographe...

vendredi 19 septembre 2008

Etrange Parati-Mirim



J'ai vu des arbres dans la foret entre Parati-Mirim et Mamangua. J'ai pense a Benoit qui m'a appris a voir les arbres et la maniere dont ils habitent l'espace.
Des arbres qui sont la, bien presents, des arbres qui creent de l'espace autour d'eux, qui font place. Des arbres qui ont quelque chose a dire, qui ont un visage et qui vous le tendent ou non.

J'ai mesure aussi ma douleur et ma force, et parfois des mots sur mes levres pour celui qui m'accompagne, je le sais, jamais seule.

J'ai vu des feuilles immenses mourir avec le sol, peu a peu recouvertes et disparues, plus que traces d'elles-memes, confondues a la couleur de la terre.

Je pense souvent a la mort et je me demande ce que c'est.

J'ai vu, m'approchant de la riviere Parati-Mirim, cherchant un coin ou mettre mes deux pieds pour peut-etre photographier ces troncs blancs et feuilles sur l'autre rive, une forme longue et noire sur un lit de feuilles, un serpent qui me regarde et qui recule sa tete. Je prends une photographie et je m'enfuis. C'est fascinant.



(bon, ca n'a pas l'air enorme comme ca, mais cliquez sur l'image et vous verrez... Il faisait 1m20 environ...)

J'ai vu pour finir, une plage au bout de Parati-Mirim, une plage ouverte sur d'autres iles et recouverte de coquillages roses... une plage ou ma saudade (mon "manque") a pu s'apaiser en trouvant une forme, une matiere, une action : des coquillages pour Maia.



La reponse de la petite Maia :

dimanche 14 septembre 2008

Seule


Enfin seule. Surprise de dire enfin. Tous ces derniers jours a courir apres quelques personnes rencontrees il y a peu. Garder le contact, parler a quelqu'un, demander de l'aide...Sentiment d'etre une enfant.
Je suis contente de passer a autre chose. Aujourd'hui, tout le monde part : Alessandro et Rodrigo, couple rencontre a mon anniversaire, Malysse, anthropologue francais installe a Sao Paulo, les etudiantes du Senac, venues pour le festival de photographies (je desteste les festivals). Il me reste quand meme un contact, Ines, artiste qui parle francais et qui veux m'emmener en ballade en foret.
Il y a deux jours, Alessandro, Rodrigo et moi avons pris un de ces petits bateaux touristiques qui vous emmene pour presque rien sur les plages des iles alentours. Quelques bains de mer, vu de droles de poissons tous longs, d'autres rayes blanc et noir, deux petits singes rouges et la vegetation impenetrable qui borde ces plages.

Je suis a Paraty pour une semaine. Une semaine dans l'attente d'un nouveau verre de visee... : le jour de mon depart de Sao Paulo, en prenant dans mes mains ma chambre , j'ai entendu un delicat et angoissant bruit de verre brise...
Une semaine dans l'attente aussi du retour du photographe et editeur francais Pierre Devin. Heureux concours de circonstances (ma rencontre fortuite avec Antoine d'Agata au consulat, il m'a mis sur sa piste, et le festival de photo), je suis allee voir cet homme, genre grand bonhomme, la cinquantaine passee, bourru et revolte, "Qu'est-ce-que tu veux?" "Quelle foret?" "Pourquoi la nature?", toutes ces questions jetees avec une voix grave. Enfin quelque chose est passe et apres son sejour d'une semaine a Sao Paulo, il semblerait que je puisse vivre chez lui, sa femme et sa fille de 4 ans et demi dans sa ferme, entouree de sa montagne et d'une foret de 60 hectares, 3 sentiers, des chiens, des chevaux et une bibliotheque... Tout ce qu'il me faut pour travailler. J'attends une confirmation.
Une semaine d'attente, une semaine d'espace, de temps ouvert. Louer un velo et parcourir les routes alentours a la recherche de je ne sais quoi, le Mamiya 6*6 dans mon sac et la musique Guarani dans les oreilles (il faudra qu'un jour je fasse quelque chose avec les indiens).

Je vous embrasse tous

mardi 9 septembre 2008

Paraty



Demain je pars. Un peu peur, heureuse aussi.
Courage a vous tous.

A bientot!

dimanche 7 septembre 2008

7 septembre 2008


Soit 30 ans apres ma naissance.
Une petite video prise a l'heure exacte de mon apparition (11 heures a Metz, 6 heures a São Paulo). Ce sont les oiseaux qui m'ont reveilles!
Je vous embrasse tous, vous etes presents en pensee

bon en attendant la video (qui refuse d'apparaitre) un autoportrait

jeudi 4 septembre 2008

Aguydje ete

La puissance vitale qui dépasse les calculs.
L'amour sincére et profond qui dépasse les calculs.
La terre, le rythme, la terre, la poussiére de la terre, l'ocre, le brun, le corps, le corps sur la terre.
La musique, le chant des flutes, des hommes, des enfants.
Quelque chose de la terre, quelque chose de sauvage,
Quelque chose de sourd en dedans qui pousse
la joie jusqu'aux larmes
sentir la vie en soi
ici au monde
Rendre grâce

lundi 1 septembre 2008

Quels sont mes reves?


Une question chaque matin, " quels ont ete mes reves?", question que me pose Cristiano tous les jours et que je finis par me poser...
Mais tres peu de souvenirs, je sais qu'ils sont compliques... Qu'il y a probablement beaucoup d'images liees a la mort et au corps.
J'ai l'impression de suivre leurs traces quand je cueille des images au musee et ailleurs..




















Vous aurez reconnu entre autres inconnus Curtis, Gauguin et Riviera...

vendredi 29 août 2008

Voyage en taxi



Cet aprés-midi, contre toute attente, j'ai exposé devant une quinzaine de membres de l'administration du SENAC, école qui "m'acceuille", mes sensations de nouvelle arrivante, mes déceptions, mes attentes...
Aprés ce charmant meeting dans un anglais plus que balbutiant, ayant peu dormi cette nuit, j'ai eu en cadeau un livre de recettes brésiliennes, et un voyage en taxi qui me conduisit chez moi (il y avait eu pendant la réunion des oh! de stupéfaction quand je leur ai dit que j'étais venue en ônibus...car c'est assez compliqué, aucune indication...).
Donc un voyage en taxi qui va vous montrer, j'espére, encore un peu mieux la ville...
(que je commence peut-être á aimer un petit peu...)








En plein boulevard, á 17 heures, certaines fument et d'autres se bouchent le nez...












(les photographies sont brutes, bleutées et pâles...tout ca sera corrigé plus tard )