mardi 28 octobre 2008

Karlfried Graf Dürckheim



J'ai découvert ces derniers jours, dans la bibliothèque de Cristiano qui est devenue ma chambre, un livre fort intéressant : LE CENTRE DE L'ETRE, ensemble de propos de Karl Friedrich Alfred Heinrich Ferdinand Maria Graf Eckbrecht von Dürckheim-Montmartin (1896-1988) recueillis par Jacques Castermane.

En voici quelques extraits :

"Qu'est-ce qu'une petite expérience de l'Être? Ce sont ces moments où, tout à coup dans la journée, nous nous sentons dans une experience différente. Nous sommes en train de faire quelque chose et tout à coup, nous hésitons. Nous sommes comme remplis par le souffle d'une vie plus profonde. Nous nous sentons comme envahis par une force qui nous oblige à nous mouvoir d'une façon différente. C'est comme si nous étions tout à coup, le représentant, le contenant de quelque chose de précieux. Pour un moment, nous voilà différents et, en même temps, nous-mêmes comme jamais. Ce sont ces moments priviliégiés où nous nous sentons en nous-mêmes et en même temps reliés à tout ce qui nous entoure. Ces moments où nous nous sentons en bonne force et en même temps parfaitement souples."

"L'homme qui gagne une certaine transparence pour la transcendance rend plus transparent ce qui l'entoure. L'homme éveillé à sa profondeur est touché par la profondeur des choses qui l'entourent. "Tout ce qui est visible est un invisible élevé à un état de mystère" dit Novalis. Tout ce qui pour l'homme ordinaire est surface devient pour l'homme en chemin profondeur. Pour lui le mystère n'est pas derrière l'apparence. C'est ce qu'il voit qui révèle l'invisible. C'est ce qu'il entend qui révèle l'inaudible. C'est ce qu'il sent qui révèle le suprasensible. Pour l'homme éveillé à la transcendance immanente, le surnaturel est au coeur du naturel."

" Tout ce qui vit se réalise dans une forme. (...) La forme vivante est toujours en devenir. Toujours là où vous rencontrez une forme vivante, il y a d'un côté la loi intérieure qui pousse chaque forme vers sa perfection et de l'autre côté l'ensemble des conditions existentielles qui empêchent cette loi de se réaliser. Nous retrouvons cette tension entre le non-conditionné et le conditionné dans toutes les formes qui nous entourent. Le peintre ou le scuplteur, dans la mesure où il est maître de son art, sait quelque chose de ce mystère des formes. Le chef-d'oeuvre, tant dans l'art pictural que sculptural, est transparent à l'inconditionné. "

"Si je prétends que tous les hommes, depuis toujours et partout, cherchent à être sauvés dans le grand Un, on trouve ça terrible ! Pourtant, c'est vrai, aussi pour les chrétiens. Si ce n'est que pour ceux-ci il y a une différence importante. Pour le chrétien, cette réalité du grand Un dans laquelle se trouve la libération n'est qu´un passage. Pour le chrétien, le port n'est pas le point d'arrivée mais le lieu où il vient prendre l'essence pour faire un nouveau voyage en haute mer. Autrement dit, pour le chrétien, le passage par le grand Un à pour sens la personne, c'est-à-dire la forme qui témoigne de la réalité du grand Un. (...) C'est de cette manière que le chrétien participe à une création qui n'arrête jamais. Alors que pour d'autres traditions, il faut se libérer de cette création qui est un malentendu!"


"Quand se sent-on chez soi? Toujours là où on est uni à quelque chose. Là où on peut être un avec quelque chose. L'artisan est vraiment chez lui au moment où il prend son outil en main. (...) On se trouve chez saoi là où on jouit d'une union parfaite avec quelque chose qui fait partie de soi-même. "

Et moi, qui suis étrangère depuis bientôt trois mois, quand me vient la force et le désir de travailler, alors, au moment où je vois, je monte ma petite folding, je cadre, etc., je me sens étrangement, enfin, chez moi!
Et voilà que bientôt, je vais faire un nouveau voyage en haute mer ! Avant le grand retour.
Vous en saurez plus bientôt.

Merci Karlfried.

dimanche 26 octobre 2008

São Paulo

Voici une vue à 360 degrés de Saint Paul, du haut de l´Edificio Altino Arantes, au centre de la ville...




Et ici la musique qui ne me quitte pas en ce moment...

mercredi 22 octobre 2008

Ubatuba

On parle trop quand on s'ennuie. Qu' est-ce que j'ai parlé ici.
Jeux de désirs et les autres bien aimés se font absents. Trop dire et ne rien dire (fuir l'affectation). Bavardage.
Ubatuba. Ubatuba que je n'ai pas décrite. Une ville un peu saudage, un peu triste et nostalgique, une plage déserte, absente, la pluie souvent, une ville touristique sans touristes, une petite place centrale rectangulaire avec une île minuscule et son pont de bois en arc...
De l'attente beaucoup, une rodoviaria jaune avec le cul des bus à reculons, l'attente hommes avec la barbe naissante du soir, femmes fatiguées, seins qui ont allaités ou qui allaitent encore, teint brun, quelques dents qui manquent parfois, de beaux costumes défraîchis par la journée, gentillesse sous la fatigue, quelques ivrognes, un mal poli, une cigarette de trop, attendre, pão de queijo, fritures, chiclet, la cigarette qu'on allume là au comptoir de la loja des japonais, briquet qui pend à un fil.
Ubatuba vieilles maisons des 50's et avant et une belle épave, vieux tas de bois bien en forme de bateau, face à la mer, séparé par une route.
Des chiens errants le long de la plage qui en veulent à mon sac qui sent la viande, fromage fumé. Je me réfugie dans l´office de tourisme désert qui attend on ne sait plus trop quoi.
Une heure de bus pour rentrer à la maison, la nuit totalement nuit, le nez collé au carreau pour tenter de voir où je suis, où m'arrêter, j'ai pourtant le temps, une heure, mais on ne sait jamais, il y a toujours des gens qui ont peur de râter quelque chose.
Et le jour, magnifique, route qui longe la côte en surplomb, les montagnes bordent la mer, la lumiére de ce côté, bleu, eau diluée dans l'air. À chaque fois quelques têtes se tournent. Plus fort qu'eux.

Ubatuba la mal vue, celle que je n'ai pas entourée de mes pas, celle que j´ai désirée sans m´y rendre, propulsée là un peu par hasard.
Retourner à Ubatuba par mes propres chemins, cheminer vers Ubatuba, prendre le temps d'approcher Ubatuba.
Il paraît qu'il y eût, fut un temps, des carrières.

jeudi 16 octobre 2008

Rio de janeiro

Me voila depuis quelques jours a Rio de janvier, citade mervelhosa ! Comment dire Rio ? comment avoir la legerete et la danse pour dire Rio ?
La ville vit avec la mer, les montagnes et la foret, ces trois natures qui la bordent et la penetrent, lui donnent des limites. Ca explique peut-etre la force qu'on sent ici. Il n'y a pas que de l'humain, il y a plus grand qui est toujours la, present. Ce qui explique peut-etre aussi l'ouverture, les sourires, la bonne humeur qui regne.
Le Christ m'a tourne le dos les deux premiers jours, loin mais toujours la, etrange comme on le cherche au cours des peregrinations, il se cache, puis surgit soudain, inattendu, entre deux arbres au jardin botanique, au coin d'une rue, il surprend...
Les plages de Rio... le string n'est pas un mythe... je n'ai jamais vu autant de fesses en si peu de temps... le sable est jaune et un peu epais, la mer forte. Les vendeurs crient le guarana, globo, cerveja... les corps sont tres sensuels, s'ouvrent au soleil et au vent, les gens jouent au foot, au volley, jouent dans les vagues, surfent, se prennent en photos... beaucoup de monde en pleine semaine. Il fait chaud, l'ete arrive...
Vu au bout de la plage d'Ipanema, sur les rochers aux pecheurs, le coucher d'un soleil que les gens d'ici viennent honorer, et applaudissent parfois.
Vu quelques instants plus tard, le temps de perdre nos pas dans quelques rues et nos yeux dans une eglise etrange, maison d'accueil d'anges en bois et faience, qui vous disent des mots graves, des lys, des bougies, des vases... toute l'exuberance du Bresil, et la dans cette eglise, une voliere qui enfermait des oiseaux bruyants et multicolores..., vu apres ca, un leve de lune sur la plage de Cobacana, premiere rencontre, une lune enorme, bleue et rose se levant sur la mer, entre deux iles, pendant que des pecheurs, revenant de la mer, trainaient sur la plage leur barque de bois au clair de la lune grandissante, se faisant ambre, magnifique sur l'encre du ciel et de la mer melanges.
Rio l'ensorcelleuse.

http://www.youtube.com/watch?v=XMoWFpnFJQM

dimanche 12 octobre 2008

Que fait Violaine ?


Violaine a les pieds dans l'eau


Violaine fait de la moto (j'adore!)


Violaine mange


Violaine attend le bus


Violaine fume une cigarette (elle ne devrait pas...)

mercredi 8 octobre 2008

Sous la pluie


Derniers jours au parc Serra do Mar. Beaucoup de pluie et de fatigue. J'ai beau mettre mon nez dans les forets et mon oeil devant les paysages, ma main tremble, ma tete tourne, que faire ? Beaucoup de doutes avant chaque plan-film expose... Plus de desir... Besoin de me recharger.
Alors il pleut toujours. Et si Faustine experimente la nuit peruvienne, moi c'est la pluie bresilienne que j'ecoute tomber. Et ici, quand il pleut, ce n'est pas de la rigolade, rien a voir avec les pluies de ma chere lorraine natale, pluies contenues et continues. La pluie ici n'est pas avare d'elle-meme... il a plu toute la nuit derniere, pluie forte et reguliere secouee de trombes d'eau soudaines et ca continue aujourd'hui, plus ou moins timidement. L'humidite penetre les maisons, les chambres,les lits, les vetements ne sechent pas, les optiques se parent de petites taches blanches sur les bords a l'interieur (et le fameux sel de silice n'y peut rien de rien!) et les moustiques sont en fete. Ils aiment particulierement mon coude droit, mais cette nuit, ils ont goute le gauche aussi, apres s'etre ouvert l'appetit sur ma jambe et mon dos...
Alors j'ecoute la pluie et je laisse le temps passer... Ce temps si precieux, temps du Bresil qui me manquera a mon retour. Temps des possibles, temps de creation, temps qui offre un espace vegetal si different... Forets quasiment impenetrables, si ce n'est avec le long couteau des gardes forestiers (que j'aime ces couteaux!) .
Washington m'a ouvert le sentier hier, un petit bout de sentier parce que le temps etait trop incertain pour aller plus loin que le ruisseau et parce que derriere rodent les chasseurs... et sans gilet pare-balles, on ne peut s'y aventurer. Nous avons traverse une ancienne plantation de caoutchoucs. Une multitude de troncs blancs avec de jolies taches roses et vertes sur l'ecorce, troncs gagnes par le vert des feuillages a leur pieds. Deux plan-films exposes, la meilleure trouvaille de la journee, je crois. Un peu plus tard, de retour a la base, il m'a montre un cacaoyer et j'ai suce quelques unes de ses graines blanches, gout laiteux et acide a la fois.



Et aussi vous pouvez voir ici les petites noix de cocos succulentes dont j'ai parle la derniere fois...



Pluie et fatigue donc. Fatigue d'entendre cette langue etrangere. Les gens d'ici ne savent pas parler calmement, ils crient. Leur parler ressemble d'ailleurs a la pluie : fort et secoue regulierement d'accelerations volumineuses ! Impossible de s'extraire des conversations, elles sont bien presentes, elles prennent toute la place. Et comme ma chambre est bordee par la cuisine et la terrasse, je peux difficilement m'isoler dans ma langue, calme et monocorde. J'ai beau lutter a coup de MP3 dans les oreilles, le volume n'est pas assez fort !

Donc bientot je pars. Pour Rio, qu'on me decrit comme violente, moi qui reve d'un cocon pour me reposer un peu !
Et ensuite m'attend monsieur Devin, sa femme, sa fille, sa ferme, sa foret, ses chevaux, sa bibliotheque et j'espere de possibles modeles (le jardinnier, la cuisiniere?) Car je suis en manque de modeles ! Avoir un corps a disposer comme je l'entends dans une architecture, des couleurs...
J'espere la cuisiniere noire avec de grands yeux blancs pour l'enfouir derriere une houppe de fleurs "oiseau du paradis" qu'on trouve ici dans la foret, et que seul son regard blanc surgissent du rouge des fleurs...
Que le regardeur, sujet absolu devant l'objet-photographie, se sente devenir soudainement, lui aussi, objet d'un regard.

P.S. : oui, j'ai "repare" mon appareil photo, une bonne idee soufflee par sainte Veronique, tres certainement : un peu d'eau sur la carte memoire pour enlever le sel... et c'est reparti! certes, de nombreuses fonctions restent hors d'usage, mais les organes vitaux ne sont pas touches...)
Et pour feter ca, une derniere photo, nouveau petit cadeau pour la petit Maia !

dimanche 5 octobre 2008

Le temps



Le temps est long, immensement long, a n'en plus finir. Mais moi, a la difference de Faustine, habituee a la meditation, au temps a habiter ici et maintenant, moi j'essaye de le fuir. J'essaye et j'essaye encore mais toujours il me rattrape. L'ennui me gagne. Ce qu'il faut d'ennui pour faire un voyage ! D'attente, de vide, de souvenirs et de projets...
Je savais bien pourtant ce matin, quand j'ai demande au jour a quoi il serait dedie, je savais bien qu'il ne fallait pas prendre la chambre, une journee sans photo, il m'a dit, le jour. Pourtant je l'ai prise, pour quoi? pour rien ou presque, deux paysages presque rien je crois. Et la pluie qui ne cesse de tomber, et ce dimanche, ne plus pouvoir rester dans ma chambre, personne a qui parler, aucun livre a lire, seuls quelques poemes de Rilke attrapes sur internet... une retraite forcee. Fatigue d'etre la, fatigue de photographier et il n'y aura jamais assez de jours et les lieux ne seront jamais a la hauteur de mon desir, ou presque.
Temps long, immensement long. Que ce jour passe. Et que pour l'achever honorablement, je parvienne a habiter l'absence. Jusqu'a demain.

vendredi 3 octobre 2008

A antiga plantação de limão



Je pense au douanier Rousseau chaque jour de travail, plus encore dans cette plantation de citronniers que j'ai photographiee hier a la chambre...
J'ai vu un serpent traverser la route, c'est beau et inquietant la facon dont il se deplace. Toujours ces oiseaux tellement rouges qu'on croirait qu'ils ne sont pas des oiseaux, mais des choses fabriquees par l'homme.
Il n'y aura jamais assez de jours ici. Tant de choses a enregistrer dans ma petite boite, tant de photos manquees. Il me manque les forces pour tout embrasser. Je suis tombee amoureuse de ce pays.



Je lis Rilke aussi

"O mon Dieu, donne a chacun sa propre mort,
donne a chacun la mort nee de sa propre vie
ou il connut l'amour et la misere.

Car nous ne sommes que l'ecorce, que la feuille,
mais le fruit qui est au centre de tout
c'est la grande mort que chacun porte en soi

(...) et quiconque dans cette vie s'efforce de creer,
enclot ce fruit d'un univers
qui tour a tour le gel et le rechauffe.

Dans ce fruit peut entrer toute la chaleur
des coeurs et l'eclat blanc des pensees,
mais des anges sont venus comme une nuee d'oiseaux
et tous les fruits etaient encore verts"

Le livre de la pauvrete et de la mort

mercredi 1 octobre 2008

Dans la foret

salut a vous. Et ben non, y aura plus d'image ici, ou du recycle...mon numerique s'est noye (je l'ai un peu aide...).
Comment vous raconter la journee d'hier...
8 heures de marche dans la foret, je vais recommencer, ce n'etait pas assez...
Traversee d'une ancienne plantation de citronniers (qui ressemblaient a des oranges, je me suis fait prendre, et les ai fait bien rire, les gardes forestiers qui m'accompagnaient, avec ma grimace acide...)
Tres beau, toutes ces boules oranges en suspension, rongees par le vert ambiant et l'odeur putride des agrumes en decomposition...
J'ai vu aussi des empreintes de jaguar et celles de boeufs devenus sauvages apres l'abandon de la ferme. Des plumes d'oiseaux bleues et jaunes, reste du repas du fauve. J'ai vu un oiseau d'un rouge vif, rouge d'un sang jeune, et d'autres d'un bleu azur fonce, presque electrique. Nous avons manges de toutes petites noix de cocos, petites comme des balles de ping pong, en grappe, que les gardes ont decroches d'un palmier. Aussi une racine qui fait fourmiller la langue, endort la bouche. Bien pour arrcher les dents. J'ai bu de l'eau de la riviere.
Ivresse de la foret tropicale, plus encore apres 8 heures de marche avec un gilet pare-balle et des bottes... Les odeurs humides, les cris d'oiseaux, les insectes tourbillonnant autour de nous, les arbres enormes, les lianes qui tombent, faire attention ou on met les pieds, toujours accroche au regard le sentier...
Beaucoup de piqures aussi, rien que 8 a la main droite.
J'ai adore la moto sur le chemin de boue pour arriver a la base, au milieu de la foret, depart du sentier...
Toujours ces couleurs, vives des vegetaux et passees des maisons. Je reviendrai avec ma chambre.
Je repars demain. En foret.