lundi 29 septembre 2008

Reflexions sous la pluie (extraits de journal)

Vendredi 26 septembre
C'est drole comme j'ai l'impression que les choses ont un "visage", quelque chose qui me fait signe, me regarde, m'appelle. "He! Je suis chose, regarde, cette chose particuliere, avec ces tonalites la, cette grace, cette decoupe, cette complexite" Un "visage" parce que c'est a la fois une chose et un appel. Les maisons ont un visage pour moi en ce moment. Mais les hommes non. Peut-etre parce que je n'arrive pas a voir ce "visage" derriere le leur, ils ont pour moi un regard, une sollicitude, des questions qui me genent, qui m'empechent de voir. Pourtant j'aimerais. Peut-etre que je ne les regarde pas assez bien, que je les vois toujours en mirroir, jamais en eux-memes, mais toujours en rapport a moi, visages qui ne me laissent pas tranquille...

Samedi 27
Je n'aime pas me presenter comme photographe. Je ne me sens pas photographe, pas precisement. Je prefererais me dire peintre qui travaille avec la photographie. The pencil of Nature. Je peins avec la photographie. Du moins, j'essaye...
En utilisant la chambre, je ne fais presque plus une image. Ce n'est presque plus une image qui sort de la chambre photographique, mais presque deja une chose. La precision des details transforme l'image en chose. Et ce que je cherche, ce sont les choses, comment une chose devient chose, la puissance qui fait que de la matiere tient ensemble, prend une forme et des couleurs.

Dimanche 28
Il pleut. Je n epeux pas faire grand chose. Reparer mes appareils et penser a ce qu'est la photographie, qu'est-ce qu'une bonne photographie.
Je me mefie beaucoup des choses delabrees, maisons, routes, des choses incongrues pour nous europeens de l'ouest. Je ne veux pas photographier des anectodes, details folkloriques, contingences. Pourtant, je le fais. Comment faire autrement? Je suis entouree de choses vieilles et etranges. Mais cela doit etre un accident et pas la raison d'etre de la photographie. Quelle raison d'etre? La couleur et la lumiere, comment cete lumiere posee sur cette couleur, ce combine de couleurs et de formes, comment cela donne un esprit, plus qu'une ambiance. Sentir que cela doit etre comme ca, pas autrement.
Toujours cette idee de visage des choses, quand elles sortent du champ des accidents, qu'elles affleurent celui de l'essentiel, quand elles expriment leur essence dans ce moment furtif ou se conjuguent la lumiere, la couleur, la forme, l'atmosphere (sec, humide...), et mon oeil (qui fait lien).
Qu'est ce qu'une bonne photographie? Il y toujours cette question derriere moi quand je travaille (question qui sonne avec la voix de Milo...).
C'est arrive a Promirim. Le tailleur de pierres, les pierres carrees et les menhirs. Dans ce moment ou les choses donnent leur visage, ce moment furtif de la rencontre, dans ce moment, les choses deviennent pleinement choses, elles ne sont pas des auxiliaires de mes preoccupations, elles sont par elles-memes.

J'aimerais photographier ces gens qui vont sur les chemins de terre, a pied ou a velo, sous un parapluie, noir de peau souvent.

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